A la table du monde – le Nem

LA PETITE HISTOIRE DU NEM

Un plat vietnamien sous influence chinoise

La première chose à clarifier est que le nem n’est pas chinois. En effet, il est vietnamien et porte plusieurs noms selon les régions : nem ram au nord, cha gio au Centre et cha ram au sud. Néanmoins, il porte avec lui toute l’influence culturelle chinoise sur la cuisine vietnamienne. Cette influence millénaire a comme origine la proximité géographique entre les deux pays. Au-delà des éléments religieux ou politiques, les Chinois font parvenir leurs cultures culinaires, notamment les baguettes. Souvent confondu avec le rouleau chinois lui aussi composé de champignons, vermicelles de riz, carottes, oignons verts et œufs, le nem contient également une protéine animale et se mange avec de la sauce nuoc mam. Seul élément à ne pas mettre au crédit de l’influence chinoise, l’utilisation du crabe, qui est un emprunt au royaume voisin de Champa (IXe-XIXe siècle). Le nem serait né dans les cuisines impériales des seigneurs Nguyen entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Du fait de sa complexité d’exécution, il est réservé aux élites. Aujourd’hui, le nem est consommé dans la rue (le pays n’a pas la culture du restaurant) ou à l’occasion de fêtes [1].

De la migration postcoloniale au succès international

À partir de 1858, le Vietnam (qu’on appelle alors l’Indochine) est colonisé par la France. Le nem est alors appelé le “rouleau impérial”. La présence française conduit à une intensification des échanges alimentaires. Les Français importent la culture du café et des légumes européens dans la région et intensifient l’élevage du bœuf. Dans l’Hexagone, les immigrés vietnamiens, arrivés dans les années 80, importent leurs pratiques culinaires. Le rouleau vietnamien s’industrialise par la suite avec l’entrepreneur breton Jean-Pierre Leroux [2], ce qui permet au plat d’atteindre les foyers français. La particularité du nem est qu’il va être de plus en plus consommé aux côtés d’autres spécialités asiatiques, comme les mélanges sous barquette en grande surface ou chez les traiteurs asiatiques. Par conséquent, le plat se confond avec l’ensemble factice de la « cuisine chinoise ». Le nem a aussi conquis le reste du monde, il est un best-seller de la cuisine vietnamienne aux côtés du pho et du banh-mi.

Des restaurants qui manquent d’hygiène ?

Un cliché encore présent est l’idée que les restaurants asiatiques manqueraient d’hygiène. Une critique qui touche également les kebabs. Cette idée discriminante a comme origine un reportage de l’émission Envoyé Spécial datant de 2005 qui avait conduit à une chute des fréquentations de 20 à 30 %. [3]. En 2009, un reportage similaire est diffusé et conduit à la rédaction de nombreux articles qui ancrent ce cliché. En réalité, selon une enquête du journal Libération [4], les restaurateurs asiatiques ne sont pas pires que les autres. La critique de ces établissements fait en réalité partie d’un phénomène plus global de racisme anti-asiatiques qui date des premières vagues d’immigration chinoises dans les années 70. La crise du Covid-19 a révélé qu’il était encore une réalité [5].

Notes

[1] On citera notamment le nouvel an du Têt.

[2] Pour en savoir plus la création de l’entreprise de Jean-Pierre Leroux : LAYSTARY Émilie (animatrice), «Say my Nem, Say my Nem », Bouffons N°59, Nouvelles Écoutes, 2019.

[3] Selon Henri So, fondateur de l’Union des Restaurateurs et Traiteurs Asiatiques dans KRISTANADJAJA Gurvan, « Y a-t-il vraiment un problème d’hygiène dans les restaurants asiatiques ? », Libération, 2015.

[4] KRISTANADJAJA Gurvan, « Y a-t-il vraiment un problème d’hygiène dans les restaurants asiatiques ? », Libération, 2015.
[5] MERCER David, “Coronavirus: Hate crimes against Chinese people soar in UK during COVID-19 crisis”, Sky News, 2020. Selon le média, entre janvier et mars 2020, près de 267 agressions à caractère raciste contre les populations asiatiques, ce qui est plus que la totalité des agressions de l’année 2019.

LA PHOTO

Cette photo est l’enseigne d’un restaurant qui propose un buffet asiatique à volonté dans la ville de Sablé-sur-Sarthe (72). Ce service, qui propose une immense variété d’assiettes, est une formule gagnante du fait de sa position géographique. En effet, ce type de restaurants qu’on reconnaît aussi par le nom Royal [ville] ou Wok [numéro de département] se trouvent dans les Zones d’Activités Commerciales (ZAC) en périphérie ; ce qui les rend accessibles dans les petites villes le soir ou pour la pause-déjeuner des commerçants le midi. Ce sont ces restaurants et les supermarchés qui permettent au nem d’être consommé dans les zones rurales.  

Photo réalisée par Frédéric Bernard, 19 Janvier 2023. 

LA CARTE

Où manger des nems à Nantes? Carte des restaurants, grandes surfaces, food trucks et CROUS recensés sur Google Maps et Tripadvisor. (ne comprend pas les boulangeries et distributeurs) Réalisation: Jules Bernard.

LA RECETTE : https://horizon-vietnamvoyage.com/culture/le-nem-vietnamien-2/

POUR ALLER PLUS LOIN : Comme vous l’aurez remarqué, la cuisine vietnamienne a été très influencée par la Chine. Dans cette vidéo de la série Faire l’Histoire de Patrick Boucheron sur Arte, vous en apprendrez plus sur l’histoire des baguettes :https://www.youtube.com/watch?v=FPQGukbotaw

Bibliographie

CHUANG Ya-Han, « Racisme anti-asiatique, entre soupçon et altérisation », Le Droit de Vivre [en ligne], 2022.

URL:https://www.leddv.fr/analyse/racisme-anti-asiatiques-entre-soupcon-et-alterisation-20221103

COLLECTIF, “le Covid 19 attise le racisme anti-asiatique et la xénophobie dans le monde”, Human’s Rights Watch, 2020

URL:https://www.hrw.org/fr/news/2020/05/12/le-covid-19-attise-le-racisme-anti-asiatique-et-la-xenophobie-dans-le-monde-entier [consulté le 16/01/2023]

KRISTANADJAJA Gurvan, « Y a-t-il vraiment un problème d’hygiène dans les restaurants asiatiques ? » [en ligne], Libération, 2015.

URL:https://www.liberation.fr/food/2015/07/01/y-a-t-il-vraiment-un-probleme-d-hygiene-dans-les-restaurants-asiatiques_1313183/

MERCER David, “Coronavirus: Hate crimes against Chinese people soar in UK during COVID-19 crisis”, Sky News, 2020.

URL:https://news.sky.com/story/coronavirus-hate-crimes-against-chinese-people-soar-in-uk-during-covid-19-crisis-11979388 [consulté le 16/01/2023]

LAYSTARY Émilie (animatrice), «Say my Nem, Say my Nem », Bouffons N°59, Nouvelles Écoutes, 2019. 

URL:https://podcast-radio.com/fr/podcast/bouffons/59-say-my-nem-say-my-nem_e5d81f6c1cf3c2

LINH, « La Cuisine Vietnamienne » [en ligne], Baguette et Traditions, 2009.

URL: ttps://baguettestraditions.wordpress.com/2009/05/29/cuisine-vietnamienne/ [consulté le 03/11/2022]

POELS Olivier, « Les Nems » [émission de radio], Europe 1, 2020.

URL: https://www.europe1.fr/emissions/delice-in-extremiste/les-nems-4003141 [consulté le 03/11/2022]

VAN THAI, « Cuisine Vietnamienne: Une Histoire Jamais Racontée » [en ligne], TTB Travel, 2021.

 URL: http://ttb-travel.com/blog/histoire-cuisine-vietnamienne/ [consulté le 03/11/2022]

PARLEZ-NOUS DE NEMS !

https://docs.google.com/document/d/13xVVy2XCVb9amG746-1oVhg9nyDymP71hxOf0qakdNs/edit

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