Le Père Noël : des origines païennes à Coca-Cola ?

Aujourd’hui, Noël est souvent représenté dans notre imaginaire collectif occidental, par la figure du Père Noël, un sapin décoré ou encore les festivités en famille ou entre amis. Cependant, il n’en a pas toujours été le cas. Aussi, nous allons revenir sur l’évolution de la fête de Noël à travers les âges, entre coutumes et folklores. La question des origines demeurant compliquée, revenons plus simplement à la célébration chrétienne en elle-même et les influences plus anciennes qu’elle a reçues. 

Noël est lié à la fête chrétienne qui célèbre la Nativité, soit la naissance de Jésus de Nazareth. Cette tradition commence au IVe siècle et se diffuse en Europe et dans le bassin méditerranéen. Mais elle prend également source dans des traditions païennes, qui se sont perpétuées par la suite. Avant la diffusion du christianisme, le solstice d’hiver était déjà un moment important, regroupant de nombreuses croyances liées à la fertilité, la maternité, la procréation ou encore à l’astronomie. Cette époque de l’année était déjà le lieu de nombreuses manifestations diverses. La fête chrétienne s’est ainsi imprégnée de diverses traditions païennes, dont certaines que nous allons aborder.

Dans le culte mithraïque apparu en Perse au IIe siècle av. J.-C., la fête la plus importante – le Mithragan – se serait déroulée chaque année le jour du solstice d’hiver, célébrant la naissance de la divinité et la victoire de la lumière sur les ténèbres. Durant la Rome antique, les citoyens fêtaient les Saturnales. Les hommes et les femmes portaient à l’occasion des guirlandes autour du cou et s’offraient toutes sortes de cadeaux. Ils sacrifiaient également un mannequin représentant un jeune homme, pensant ainsi transmettre la vitalité du personnage à la nouvelle année. Par ailleurs, la fixation, à la date du 25 décembre, du solstice d’hiver est due à une erreur commise par l’astronome Sosigène d’Alexandrie qui fixa le début des saisons avec un retard de un ou deux jours par rapport à la réalité.

À partir du règne d’Aurélien (IIIe siècle), les Romains fêtent officiellement le Sol Invictus – le soleil invaincu – au moment du solstice d’hiver, commençant la nouvelle année avec le rallongement des jours. Ce culte reprend des aspects de la mythologie d’Apollon et du culte de Mithra, avec notamment le sacrifice d’un taureau à la fin. Le Sol Invictus correspond à la naissance du jeune dieu solaire qui, reprenant les traditions mithraïques, était censé surgir d’un rocher ou d’une grotte sous la forme d’un jeune homme. Noël est devenu une festivité religieuse importante en Occident durant le Moyen-âge avec, au fil du temps, de nouvelles traditions liées au christianisme : la messe à minuit ou encore les chants à partir du XIIe siècle. La crèche se met en place durant la Renaissance en Italie. C’est un moment où Noël devient non seulement une fête religieuse célébrée à l’église, mais aussi une fête familiale plus intime.  Cependant, dans les pays réformés, la fête de Noël est jugée trop païenne ou trop catholique. La célébration est notamment interdite en Angleterre à partir de 1647. Elle est rétablie en 1660 mais reste mal perçue par la majorité du clergé anglais. En Amérique du Nord, les premiers colons interdisent également la célébration de Noël, elle est rétablie en 1681. Cette célébration a intégré également de nombreuses traditions profanes avec sa diffusion à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. Au début du XVIIIe siècle, l’aristocratie, les bourgeois et les artisans s’approprient Noël comme un jour sacré de la famille. C’est seulement durant la première révolution industrielle que se mettent en place, progressivement, les cadeaux, signes de générosité envers les enfants, ainsi que le sapin décoré. Ces traditions prennent racines en Allemagne au début du XIXe siècle. Avec la mondialisation et la laïcisation de la société, Noël est de moins en moins lié à la religion. Le 25 décembre est aujourd’hui devenu un jour férié dans de nombreux pays permettant le rassemblement des familles.

Qu’en est-il de notre cher Père Noël ? Une créature imaginaire, composite, qui a connu de nombreuses métamorphoses au fil du temps. Il est le résultat d’un mélange de plusieurs traditions. Ce personnage est déjà présent durant l’Antiquité sous une forme très différente d’aujourd’hui. Il est souvent associé à la mythologie nordique et à certaines divinités qui profitaient du solstice d’hiver pour récompenser leurs adeptes les plus fervents. Il pourrait être l’incarnation du dieu Thor, représenté comme un vieil homme habillé en rouge et portant une barbe blanche qui se déplaçait sur un char tiré par des boucs. Il pourrait également avoir été inspiré par le dieu Odin, son père, qui chevauchait Sleipnir, un cheval à 8 pattes, qui n’est pas sans évoquer les 8 rennes du Père Noël.

C’est au Moyen-âge que le Père Noël, qui se rapproche le plus de celui d’aujourd’hui, trouve son origine dans la figure de Nicolas de Myre, plus connu sous le nom de saint Nicolas.

Personnage réel qui a vécu au IVe siècle en Lycie, au sud de l’actuelle Turquie. Évêque de Myre, il était réputé pour sa grande bonté, notamment envers les enfants. Après sa mort, il fut sanctifié. Sa légende et son culte se répandent rapidement dans toute l’Europe de l’Ouest. Avec la réforme protestante du XVIe siècle, saint Nicolas n’est plus célébré, sauf par les Hollandais qui ont conservé leur Sinter Klaas. Un siècle plus tard, en émigrant aux États-Unis, les colons hollandais l’emmènent avec eux ainsi que toutes les traditions associées. Rennes, lutins et sapins décorés imprègnent l’esprit de Noël outre-atlantique. Le nom Santa-Claus est d’ailleurs directement tiré du Sinter Klaas.

Au fil des siècles, ce personnage s’impose dans toutes les communautés, prenant différents noms. Même les chrétiens l’adoptent, estimant que cette fête des enfants pouvait tout aussi bien servir à célébrer la naissance de Jésus. Dans de nombreuses régions, notamment en Alsace et dans les pays de culture germanique, on continue à célébrer saint Nicolas le 6 décembre, date de sa mort. La transformation la plus récente du Père Noël est celle créée sous l’influence des États-Unis. Des illustrateurs américains du XIXe siècle se sont inspirés du poème de Clement Clarke Moore et ont dessiné le premier Père Noël. Thomas Nast a eu l’idée de le faire venir du pôle Nord. Région qui n’a pas encore été explorée et reste mystérieuse dans l’imaginaire collectif de l’époque. Il le dessine avec des habits de couleurs différentes, pas forcément rouges et couverts de suie.

Progressivement, le Père Noël prends des habits verts, jaunes, bleus.

Mais c’est grâce à Coca-Cola que la couleur rouge d’aujourd’hui finit par s’imposer.

Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année, de profiter de ce moment pour le partager avec la famille ou des amis, et je vous laisse des sujets à compléter lors de vos prochains repas à ne plus finir.


1 Aurélien choisit ainsi une date proche du solstice d’hiver, correspondant au lendemain de la fin des traditionnelles Saturnales romaines mais aussi au jour de la naissance de la divinité solaire Mithra.
2 Mohammad Heydari-Malayeri, “Mithra, Marianne, même combat.” in: Historia, no 679, juillet 2003, p. 22-23.
3 Datation faite lors de la réforme du calendrier à l’initiative de Jules César en 46 av. J.-C.
4 Régis Bertrand, La Nativité et le temps de Noël : XVIIe-XXe siècle. Publications de l’Université de Provence, 2003.

Sources :
– Claude Lévi-Strauss, Le Père-Noël supplicié. Paris, 1952.
– Hélène Bénichon, Fêtes et calendriers. Les rythmes du temps. Paris, 1992.
– Alain de Benoist, Fêter Noël. Légendes et Traditions. Évreux, 1982.

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