Dans le cerveau des psychopathes criminels : approches biologique et psychologique de leur profil comportemental

Qu’est-ce qui fait qu’un individu est un psychopathe ? 1

“Peu de concepts psychologiques évoquent à la fois autant de fascination et d’incompréhension que la psychopathie” (Decety, 2019). Depuis une trentaine d’années, ce profil psychologique à tendance criminelle fait l’objet de nombreuses études en neurosciences et en psychologie pour comprendre ses comportements. Zoom sur une personnalité particulière qui interroge.

La psychopathie se définit comme un sévère trouble de la personnalité antisocial (Hare & Logan, 2007) identifiable grâce à des caractéristiques cliniques définies (Pham & Jouin, 2018). Parmi ces attributs, mentionnons la manipulation, l’égocentrisme et le manque de culpabilité (Hare, 2003 ; Neumann, Hare & Newman ; 2007 ; Vitacco, 2007 cités par Jouin & Pham, 2018). 

Des facteurs biologiques et neurobiologiques entrent en compte dans la construction de la personnalité psychopathique. Des experts de l’Université de Cambridge (2013) ont étudié le niveau d’empathie de psychopathes emprisonnés grâce à la technique d’IRM (imagerie par résonance magnétique). Cent-vingt-et-une résonances magnétiques ont été enregistrées au cours de la projection d’images d’individus en situation de souffrance : les criminels ne ressentaient aucune empathie. Dès lors que les scientifiques leur ont demandé de s’imaginer dans le même état physique et émotionnel que celui des acteurs apparus à l’écran, les prisonniers étaient affectés. 

En analysant les clichés médicaux de cet examen, les chercheurs ont remarqué que lorsqu’un psychopathe observait un individu ressentir une quelconque douleur, une activité cérébrale anormalement élevée se déclenche dans le striatum, structure nerveuse notamment impliquée dans le processus de plaisir et de récompense (Sabater, 2021). Conclusion ? Un psychopathe ressent du plaisir à voir autrui souffrir.

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En rouge, le striatum ou corps strié, structure nerveuse située à la base du cerveau impliquée dans le processus de récompense, de motivation, de plaisir et de prise de décision.2

En 2014, une équipe de chercheurs européens et américains (Tiihonen et al., 2014) a mis en évidence l’existence d’un gène positivement lié à un haut niveau de psychopathie : MAOA. Ce “gène du tueur” se trouve sur le chromosome X (chromosome féminin) supplémentaire dans l’ADN d’une personnalité psychopathique. 

Au cours du développement du fœtus, le gène MAOA fabrique dans l’organisme de l’enfant à naître, une forte concentration de sérotonine, neurotransmetteur du calme et du plaisir. Cette conséquente production réduit les capacités d’un individu à éprouver des émotions. La découverte des experts appuie ainsi les conclusions avancées par leurs confrères, un an auparavant.

En complément de cette découverte génétique, la psychologie sociale et la neuropsychologie se sont intéressées à l’étude des psychopathes. Selon Blackwood (2015), les problèmes comportementaux et les tendances psychopathiques surgissent dès la petite enfance, période durant laquelle le développement du sujet est susceptible de modifier la structure et le fonctionnement du cerveau. 

Le profil psychopathique se révèle à cause de conduites déviantes (Hodgins, 2015) générées par une ou des expériences traumatisantes. Citons des maltraitances infantiles, des abus sexuels ou un frappant manque affectif parental. En conséquence, ce passé douloureux lié à un environnement social tourmenté génère un ancrage durable de comportements très violents – dans la majorité des cas – en réponse aux traumatismes vécus.

Globalement, en grandissant, de plus en plus envahi par la haine et par un désir de vengeance, le sujet se découvrira une appétence pour les crimes…

Des pistes thérapeutiques pour “prévenir” la psychopathie ? 3

C’est précisément l’articulation des diverses approches évoquées – parmi d’autres existantes – qui mène progressivement à la compréhension des mécanismes cognitifs des personnalités psychopathiques. Dans un futur proche, cette même articulation pourra peut-être conduire à la “prévention” de ces comportements “dangereux” grâce à des interventions thérapeutiques engagées dès l’enfance. L’idée serait, selon Hodgins (2015), de “réduire significativement les risques de violence dans le futur” et ainsi, de diminuer le nombre de crimes.

Article écrit par Mathilde GÉVAUDAN.

Notes :
1 https://nospensees.fr/neurobiologie-du-psychopathe-quand-le-cerveau-perd-son-humanite/  (page consultée le 15 février 2022)
2 https://start.lesechos.fr/societe/environnement/le-cerveau-de-lhomme-serait-parametre-pour-ne-pas-etre-ecolo-1175331 (page consultée le 16 février 2022)
3 https://lejournal.cnrs.fr/articles/decoder-le-langage-interne-du-cerveau (page consultée le 15 février 2022)

Bibliographie :

Bohler, S. (2021). Cerveaux de psychopathes !. Cerveau & Psycho, 131(4), 10a. https://doi.org/10.3917/cerpsy.131.0010a

Hare, R., Logan, M. (2007). La psychopathie criminelle : une introduction à l’intention des policiers. In M. St-Yves & M. Tanguay (Eds.), Psychologie de l’enquête criminelle. La recherche de vérité (pp. 393-442). Yvon. Blais. https://theseas.reseaudoc.org/index.php?lvl=notice_display&id=1607 

Jouin, R., Pham, T.H. (2018, 13 décembre). Dans la tête du psychopathe : approche neurobiologique. [Conférence]. Colloque “Quoi de neuf docteur”: La psychopathie dans tous ses états, Université de Paris-VIII. https://www.researchgate.net/publication/329625299_Psychopathie_Aspect_neurobiologiques 

Genau, H. (2021). Les psychopathes sont-ils supérieurement intelligents ?. Cerveau & Psycho, 133(6), 68-69. https://doi.org/10.3917/cerpsy.133.0068

Moustapha Adou, K. (2018). Le libre arbitre à l’épreuve du déterminisme : Les troubles du psychopathe en tant qu’instruments d’étude de la défense de non- responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux [Thèse de doctorat, Université de Montréal]. Papyrus.bib.umontreal.ca. http://hdl.handle.net/1866/22455 

Ricard, M. (2019). Les livres du mois : Neurosciences – Altruistes et psychopathes. Pour la Science, 503(9), 18a. https://doi.org/10.3917/pls.503.0018a 

Wilmes, A. (2014). Le concept de psychopathie est-il cohérent ? Bases cérébrales et responsabilité morale. PSN, 12(1), 31-49. DOI 10.3917/psn.121.0031

Sitographie :

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Carballo, J. (2015, 29 janvier). Le cerveau de certains criminels les rend insensibles à la punition. Le Figaro Santé. https://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/01/29/23319-cerveau-certains-criminels-rend-insensibles-punition 

Decety, J. (2019, 21 octobre). Dans le cerveau des psychopathes. Cerveau & Psycho. https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/neurosciences/dans-le-cerveau-des-psychopathes-18191.php

Desmoulin-Canselier, S. (2018, 28 juin). Jusqu’où utiliser l’imagerie cérébrale en justice? CNRS Le journal. https://lejournal.cnrs.fr/billets/jusquou-utiliser-limagerie-cerebrale-en-justice

Lefevre, M. (2015, 17 mars). Naît-on meurtrier ? Le Vif. https://www.levif.be/actualite/sciences/nait-on-meurtrier/article-normal-372083.html?cookie_check=1644944384 

Minocodeme. (2017, 29 juillet). Le cerveau des psychopathes a une spécificité responsable de leur déviance. Biba Magazine. https://www.bibamagazine.fr/lifestyle/psycho/le-cerveau-des-psychopathes-a-une-specificite-responsable-de-leur-deviance-15865.html 

Psychomédia. (2013, 31 janvier). Des différences observables dans le cerveau des psychopathes. psychomedia.qc.ca. http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie-de-la-personnalite/2013-01-31/psychopathie-differences-cerebrales 

Radio-Canada. (2015, 28 janvier). Le cerveau particulier des psychopathes. radio-canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/704071/cerveau-criminels-violents-psychopathes 

Sabater, V. (2021, 15 novembre). Neurobiologie du psychopathe : quand le cerveau perd son “humanité”. Nos Pensées. https://nospensees.fr/neurobiologie-du-psychopathe-quand-le-cerveau-perd-son-humanite/ 

UDEMNouvelles. (2015, 17 février). Le cerveau des criminels violents atteints de psychopathie interprète mal les punitions. can-acn.org. https://can-acn.org/fr/le-cerveau-des-criminels-violents-atteints-de-psychopathie-interprete-mal-les-punitions/

Vidal, C. (2016, 15 novembre). Quand la justice se met à scruter le cerveau des criminels. L’Obs avec Rue89. https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110320.RUE1346/quand-la-justice-se-met-a-scruter-le-cerveau-des-criminels.html

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