Dossier Noël : Les figures de Noël

La Befana, la sorcière la plus appréciée du Christianisme

Sur les traces de la Befana : figure christianisée de la sorcière païenne

La Befana est une sorcière qui apporte les cadeaux en Italie au moment de l’Epiphanie, le 6 janvier. Issue du folklore italien pré-chrétien, elle est incorporée à la tradition chrétienne comme personnage proche des Rois Mages. 

Aux origines

Carlo Ginzburg, historien italien créateur de la Microstoria dans les années 1970, étudie l’image de la sorcière en Italie dans plusieurs de ses thèses. Il émet l’hypothèse que la Befan viendrait elle-même d’une autre culture. Elle tire son nom, semble-t-il, d’une déformation du mot grec Epiphaneia et aurait des origines germaniques alpines. La Berchta, fée du foyer pour les germains, serait l’ancêtre de la Befana italienne. Cette fée, soit monstre à cornes au poil de chèvre et à la peau noire, soit belle jeune femme couverte de neige, aurait été transformée en passant en Italie, en vieille sorcière couverte de cendre par ses passages répétés dans les cheminées italiennes. Le culte de Berchta lui-même est lié à la divinité Percht, déesse à qui l’on faisait offrande pour obtenir fortune et abondance.  

Toutefois, son existence est bien plus ancienne et les déformations du culte originel sont multiples. Elle semble liée à un ensemble de rites propitiatoires du Néolithique, destinés à apporter l’abondance, rendre propice la nouvelle année solaire à la fortune, etc. On n’a, à ce jour, aucune origine établie. 

L’Epiphanie comme point de naissance

Son passage lors de l’Epiphanie est, comme la plupart des traditions païennes intégrées par le christianisme, lié au Solstice d’hiver, le 22 décembre, et à la renaissance du soleil, le 6 janvier. La fête du 6 janvier est commune à beaucoup de cultures car elle est la manifestation physique d’un nouveau cycle solaire, la Terre terminant sa partie de l’ellipse la plus proche du Soleil pour s’en éloigner, ce qui a pour effet de rallonger les jours dans l’hémisphère Nord. 

La célébration païenne de la lumière, elle-même reprise par les Saturnales romaines, semble être à l’origine de ce personnage. L’échange de cadeaux durant cette fête est déjà présent dans le culte romain de Janus, divinité aux deux visages, du commencement et de la fin, et Strena, déesse de la Purification. Il est récupéré ensuite par le christianisme avec les Rois-Mages porteurs de cadeaux. 

De la même façon, la Befana s’intègre à ceux-ci. Afin d’en faire une figure chrétienne, on lui crée un lien avec les trois personnages. Selon la légende italienne, prise de remords après avoir refusé d’accompagner les trois mages, la Befana passe sur son balais magique dans chaque maison dans l’espoir de retrouver le petit Messie et distribue à chaque enfant des cadeaux et bonbons.

Dans le Sud de l’Italie, elle est remplacée par Sainte Lucie, sorte de Befana complètement christianisée ayant perdue sa représentation de sorcière.

Il est intéressant de constater que la Befana est principalement présente dans le centre de l’Italie, où se trouve Rome et le siège pontifical. L’Eglise catholique a condamné de nombreuses fois, à partir du IVe siècle, le paganisme et faute de l’éradiquer s’est évertuée à l’intégrer aux fêtes chrétiennes. Ainsi, Noël, qui célèbre la naissance du Messie, se place à plusieurs mois de son véritable anniversaire, en mars, pour occuper la place du Solstice d’Hiver autrefois célébrée par les païens. Par ailleurs, les sorcières ont subi le même sort et ont été condamnées à l’excommunication, le feu et de nombreuses tortures, comme ça a été le cas entre le XVe et le XVIIIe siècle. Pourtant, la Befana, elle, demeure. 

L’Eglise la présente souvent comme n’étant pas une sorcière mais une vieille dame bienveillante également purifiante. En effet, le symbolisme du balais sur lequel elle vole est lié à l’idée de purification de la demeure pour la nouvelle année. De même, elle ne porte pas de chapeau pointu mais un simple foulard. 

Encore aujourd’hui la Befana est célébrée et est l’objet de nombreuses recherches anthropologiques notamment. Ses origines demeurent obscures et les sources s’y référant sont peu nombreuses avant le XVe siècle. Il est donc très difficile d’obtenir quoi que ce soit sur ce personnage remontant aux périodes protohistoriques, c’est-à-dire après l’invention de l’écriture mais sans que celles-ci soient généralisées.  

De plus, malgré les tentatives de l’Eglise catholique d’en faire une gentille vieille dame, ses représentations prennent petit à petit la forme de la sorcières anglo-saxonne avec son chapeau pointu et sa robe noire. 

La Befana

  • Bévilacqua Maria-Grazia, Récites traditionnels d’Italie, CRPD Lorraine, Nancy 
  • Claudio Corvino-Erberto Petoia, Histoire et légendes du Père Noël et de la Befana , Newton & Compton, Rome, 2007
  • Ginzburg Carlo, Les batailles nocturnes, Lagrasse, Verdier, 1980
  • Ginzburg Carlo, Le Sabbat des Sorcières,Paris, Gallimard, 1992
  • Motz, Lotte, “The Winter Goddess: Percht, Holda, and Related Figures”1984
  • Pr. Alfonsina BELLIO – Université de Lorraine – FRANCE
  • “Befana a chi?” Seuils et figures tutélaires de l’hiver en Italie.

La chèvre de Yule, la chèvre qui évolue au gré de la religion

Le Julbock que l’on traduit par Bouc de Yule est une tradition des pays nordiques très populaire qui a beaucoup évolué durant les siècles. Au début créature protectrice elle se transforme en démon au fil des siècles avant de devenir un élément décoratif dans lequel on place les jouets. 

Le Julbock est très certainement lié à une divinité slave, Devac/Dazhbog, dieu de la moisson représenté par un bouc blanc. 

On retrouve également les Chèvres de Thor tirant son char et qu’il utilise pour se nourrir avant de les ressusciter. 

La fête de Yule ou Jól en nordois ancien est une célébration du renouveau annuel et d’honneur aux divinités d’Odin appelé aussi Jólnir. 

Le Solstice d’Hiver dans les pays scandinaves est le moment du passage de la Horde Sauvage, dirigée soit par Odin soit par Thor et son char. Des créatures spectrales passent durant trois nuits dans le ciel. Pour s’en protéger, un sacrifice est généralement demandé, il s’agit d’une chèvre. Le Julbock semble être au début, un sacrifice destiné aux divinités afin de se garder de la mort et s’assurer une nouvelle année d’abondance.

Un bouc aux multiples significations

En Suède, au XIe siècle avec la christianisation, il devient un esprit invisible et protecteur qui s’assure du bon déroulement des fêtes de fin d’année, Yule. On réalise de petites effigies de paille que l’on cache chez ses voisins comme blague mais aussi élément protecteur.

En Finlande, il devient un esprit malveillant qui rôde les nuits de décembre. La coutume qui apparaît au XVIIe siècle veut que les hommes se couvrent d’une peau de bouc et effraient les enfants du village. La seule façon de le repousser est de lui offrir des cadeaux quand il frappe à la porte. 

En Norvège, la même tradition est observée mais les hommes déguisés étaient remerciés des conseils et de la protection qu’ils apportent au foyer par des présents. 

Une signification intégrée et modifiée par le christianisme

Au XVIIe siècle, la tradition évolue et le Julbock apporte des présents cette fois. Les effigies se transforment en éléments décoratifs dans lesquels on glisse les cadeaux. La Christianisation des pays scandinaves apporte alors le personnage de Saint Nicolas qui ne prend place qu’à partir du XIXe siècle et toujours accompagné d’une chèvre. 

Figurine de paille du Julbock, objet typique de Noël en Scandinavie 

L’étrangeté de la chose vient du fait que la chèvre demeure un symbole du diable dans la culture chrétienne. La chèvre de Saint Nicolas est intégrée comme une chèvre contrôlant le Diable. C’est un moyen très pratique d’absorber les croyances locales de pays dont la christianisation a été tardive tout en assurant la domination et la supériorité du christianisme sur le Diable mais aussi sur le paganisme. 

Aujourd’hui, le Julbock demeure un objet décoratif fait de paille ou de bois où l’on dépose les cadeaux. Le père Noël a remplacé saint Nicolas mais pas partout. En Norvège, certaines régions préfèrent au gros bonhomme barbu, un petit lutin, le Nisse, qui chevauche… Le Bouc de Yule chargé de cadeaux.

Le Nisse sur le bouc de Yule transportant les présents

De manière générale en Scandinavie, Noël reste la fête de Yule car le mot est resté pour désigner cette partie de l’année. 

A Gävle, en Suède, chaque année est monté un Bouc de bois et de paille d’une dizaine de mètres. Il a été détruit à de nombreuses reprises dont dix-sept fois par le feu depuis la création de l’événement en 1966, comme si la coutume du sacrifice demeurait en quelque sorte. 

Le Bouc de Gävle avant et après sa destruction
  • Briggs, Katharine M. . An Encyclopedia of Fairies, Hobgoblins, Brownies, Boogies, and Other Supernatural Creatures. Pantheon Books, 1978
  • Jean-Claude Schmitt, Ghosts in the Middle Ages: The Living and the Dead in Medieval Society (1998)
  • Carl Lindahl, John McNamara, John Lindow (eds.) Medieval Folklore: A Guide to Myths, Legends, Tales, Beliefs, and Customs, Oxford University Press (2002)
  •  George Harley, St. Nicholas: His Legend and His Role in the Christmas Celebration and Other Popular Customs, 1917
  • Reimund Kvideland and Henning K. Sehmsdorf. Scandinavian Folk Belief and Legend, University of Minnesota, 1988

    Ref: Wild Hunt

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