A la découverte du groupe de danse des « Joyeux Vendéens du Boupère » : folklore et expériences hors-normes à l’international

« Il y a beaucoup de bons souvenirs. Dans les plus marquants, c’est la tournée en Equateur. On paradait avec les autres groupes dans la ville de Ambato. Lors d’une parade, il y avait une foule énorme. Les rues étaient bondées, les gens se pressaient aux fenêtres et sur les toits. A notre passage, on entendait « Viva Francia, viva Francia ! ». Certains étaient en larmes en nous voyant, il y a même une mère qui a brandi son bébé pour qu’on l’embrasse. Après coup, les organisateurs ont parlé de 200 000 personnes présentes. »

Les « Joyeux Vendéens » (ou « JV ») est un groupe de danse folklorique du Boupère, en Vendée. Il fait revivre depuis 1962 des danses et musiques traditionnelles vendéennes en France et à travers le monde. Aujourd’hui, 80 membres en font partie. Si le groupe puise son contenu artistique dans le passé, il se tourne depuis ses débuts vers les jeunes générations et présente ainsi une hétérogénéité d’âges qui surprend, car en France, à l’instar de son public, le folklore (l’ensemble des arts et traditions populaires (1)) est désuet. De nombreux groupes de danses français disparaissent avec le vieillissement de leurs membres et leur manque d’attrait auprès des jeunes. De plus, on le confond facilement avec le traditionalisme et le mot en lui-même tend à perdre son sens premier pour être entendu dans son acceptation péjorative (un pittoresque facile, une activité dépourvue de sérieux ou dépassée (1)). Les Joyeux Vendéens connaissent ces phénomènes et les jeunes membres ont parfois du mal à expliquer à leurs ami.e.s leur loisir original. Accompagné d’une interview de René SOURISSEAU, membre fondateur et ancien président, cet article souhaite présenter le groupe de danse folklorique.

Globe & Folk à CUGAND (festival CIOFF) – Joyeux Vendéens
Les Joyeux Vendéens sur scène, au festival Globe & folk de Cugand (Vendée). Derrière eux, l’artiste galicien Carlos Núñez

Basé au Boupère, dans le bocage vendéen, le groupe voit le jour en 1962 par l’entremise de plusieurs locaux. L’un d’entre eux, Gabriel CHATAIGNER (1925-2001), actif dans le domaine culturel en Vendée, propulse le nouveau groupe de danse sur le devant de la scène. À l’aide de ses nombreux contacts – il a participé, par la suite, au lancement du Puy du Fou en tant que directeur artistique – les Joyeux Vendéens prennent de l’ampleur dans le département puis en France. Comme les nombreux groupes folkloriques de l’époque, leur principe est de reprendre des musiques et danses traditionnelles pour les faire revivre : avant-deux, quadrille… Dans les premières années, le rythme des représentations est effréné. Après les premières années, les JV cherche à s’améliorer. Il est décidé que les costumes utilisés seraient fabriqués : costumes de travail et costumes de cérémonie, et non plus récupérés chez des familles locales. Puis à partir d’un concours à Etaples (Pas-de-Calais) en 1974, l’accent est mis sur les chorégraphies : créer ses danses, avoir son propre style. En une dizaine d’années d’existence, le groupe a ainsi gagné en qualité et a pu envisager des représentations sur la scène internationale. René SOURISSEAU précise : « de 1975 à 1990, on est allé en Espagne, en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne. Et chaque année on faisait une tournée en France. ».

Les amateurs et amatrices du bocage vendéen voient en grand. Dans la continuité, leur première grosse tournée en-dehors de France s’effectue en Pologne en 1990. René SOURISSEAU raconte : « C’était juste après la chute du mur de Berlin. On y avait fait une halte, je me souviens que des gens louaient des marteaux avec des burins et tu allais tailler des morceaux du mur. Puis en Pologne, le groupe a été reçu dans plusieurs villes pour s’y représenter : Poznan, Wrocław, une ville à côté de Gdansk. ». Une relation étroite se crée avec l’hôte et, l’année d’après, c’est au groupe polonais de l’Université de Poznan de venir en Vendée pour le festival du Boupère. Ce type d’échange est un caractère essentiel du folklore international. L’un invite l’autre dans son pays et vice-versa. Les hébergements sont pris en charge, des visites guidées des alentours sont organisées, les membres de chaque groupe passent leurs soirées ensemble. Ainsi, en 1992, les Joyeux Vendéens sont de nouveau invités en Pologne et après avoir passé 3 jours à Poznan, font un tour dans l’Europe de l’Est. De ces premières expériences hors-normes, les danseur.euse.s et les musicien.ne.s vendéen.ne.s retiennent des souvenirs inoubliables. Par la suite, ce sont le Japon, l’Equateur, le Chili, les Açores, la Chine, le Mexique et d’autres encore.

Voyage au Mexique en 2018, pour le festival international de folklore d’Hidalgo (une région du Mexique). La photo montre les représentant.e.s des pays présents au festival, avec leur drapeau.

A partir de 1999, le Conseil général de la Vendée s’engage à soutenir les Joyeux Vendéens. Un chorégraphe professionnel, d’origine colombienne, Hector ZAPATA est recruté. Il approfondit les acquis et fait évoluer les chorégraphies. En dehors de la danse, le groupe motive le département pour développer des formations de musiques traditionnelles en Vendée. Une institution est fondée : l’école départementale de musique traditionnelle, dont René SOURISSEAU en est le président, et des écoles sont créées : au Boupère, à Saint Jean-de-Monts et à Longèves. Aujourd’hui, on compte au total 130 élèves. Ils sont formés au violon, à l’accordéon diatonique, à la veuze (cornemuse), à la vielle à roue et enfin au chant traditionnel. A la source de ces formations, l’école puise dans des chants traditionnels collectés dans le Poitou, avec les ouvrages suivants : «les cahiers du répertoire musical joué en Vendée» publiés par Ethnodoc.

Les Joyeux Vendéens sont devenus une référence dans le monde du folklore. Ils ont été labellisés par le CIOFF (le Conseil International des Organisations de Festivals de Folklore et d’arts traditionnels, une ONG partenaire officiel de l’UNESCO) et les échanges internationaux continuent. A l’étranger, le groupe est toujours reçu avec une grande ferveur populaire. En France, au contraire, le folklore n’attire plus. Selon René SOURISSEAU : « Par rapport aux années 1970, je suis sûr qu’il y a les deux tiers des groupes qui ont disparu en France. ». Ce qu’il explique par l’aspect jugé « ringard » de nombreux groupes actuels dont les membres sont issus d’associations du troisième âge. Les Joyeux Vendéens, quant à eux, essaient d’éviter cette tendance au vieillissement. Ils misent sur les voyages pour attirer les jeunes et ont fondé une académie, la « Trad’Académie » qui a pour objectif de « transmettre les gestes et façons de faire de nos grands-parents » (2). Aujourd’hui, elle comporte une vingtaine d’enfants entre 8 et 11 ans. Enfin, le groupe s’est aussi diversifié en collaborant avec une association annexe : « Mémoires du Haut Bocage » (2). Un travail de réédition a été effectué sur l’œuvre d’un poète patoisant du Boupère : Eugène CHARRIER.

Article écrit par Lilian GODARD

Notes :
1 : Ces définitions sont issues du site du CNRTL : https://www.cnrtl.fr/definition/folklore
2 : Plus d’informations sont disponibles sur le site des Joyeux Vendéens. Que ce soit concernant l’école de musique traditionnelle, l’académie pour les jeunes, le groupe en lui-même… La citation concernant la Trad’Académie est à retrouver sur ce lien : https://lesjoyeuxvendeens.fr/la-tradacademie/. Le site en lui-même : https://lesjoyeuxvendeens.fr 

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