La désinformation au sein du marché de l’art : volontaire ou accidentelle ?

Les Fakes News ou les fausses nouvelles en français prennent de plus en plus d’ampleur dans notre société et ce, à travers les réseaux sociaux où chacun peut écrire ce qui lui sied. Depuis l’Antiquité, les fausses informations sont multiples et se répandent. En effet, que ce soit pour des raisons de tactiques, de trahison, de pouvoir, ou tout simplement dans une volonté d’intimité, l’homme déforme la vérité.

Aussi, si l’on s’attarde sur le mot “contrefaçon”, le monde de l’art en est le maître. Quoi de mieux que de reproduire à l’identique une œuvre d’art et de la vendre en la faisant passer pour l’originale ? Cette technique fait la richesse de certains au détriment d’acheteurs bernés, qui se retrouvent avec une pâle copie de ce qu’ils pensaient être un chef d’œuvre.

De la distinction entre le faux et la contrefaçon

La contrefaçon ou la copie apparaissent très tôt, aussi bien dans le monde de l’art que dans d’autres domaines, et constituent un marché sans précédent. Distinguons néanmoins deux notions :  le faux et la contrefaçon. Cette dernière est définie comme « tout acte portant atteinte aux droits d’une propriété intellectuelle d’un auteur » tandis que le faux est caractérisé comme « une imitation ou une substitution frauduleuse de la signature ou du signe distinctif d’un artiste sur une œuvre d’art ». Si des lois sont votées en 1793 pour lutter contre la contrefaçon, puis au XIXème siècle contre le faux, les usurpateurs sont toujours présents et, bien souvent, prêts à tout pour se faire de l’argent. Les efforts législatifs entrepris en 1793 et durant le XIXème siècle n’empêchent pas la circulation de contrefaçons et de faux, le marché de l’art étant lucratif. 

Aussi, si le faux parfait le monde de l’art, les Fakes news proviennent parfois d’une erreur de jugement et d’identification. En effet, au cours des siècles, les artistes ont créé, sans toujours se soucier d’apposer leur signature sur leurs créations. Ce phénomène entraîne des difficultés pour authentifier des œuvres. De fait, toutes les méthodes sont bonnes pour attribuer la paternité d’un artiste à un chef d’œuvre et parfois cette déduction s’avère erronée. En passant du connoisseurship au formalisme, toutes les techniques sont bonnes pour tenter de redonner un maître à une œuvre, jusqu’au jour où ces techniques ne suffisent plus.

Quelles sont donc les œuvres les plus connues mais finalement copiées ou tout simplement mal identifiées ? Tentons de donner deux exemples non exhaustifs pour en apprendre un peu plus sur le marché de l’art, les musées et la notion d’artiste au cours des siècles.  

Le plus grand faussaire de l’histoire, si vous ne le connaissez pas déjà, se nomme Han Van Meegeren. Peintre du XXe siècle, il excelle dans sa formation. Cependant, il réalise deux expositions dont la dernière est un échec. Afin de survivre de son métier et de pallier les critiques, il réalise des restaurations de tableaux.

Han Van Meegeren dans son atelier, photographe non identifié, XXe

Ces dernières sont parfois totalement peintes ce qui donne alors l’idée à Han Van Meegeren de créer des faux. Grâce à sa formation et son talent, il copie les plus grands peintres et passe au travers des méthodes d’authentification. Pour faire passer ses peintures comme authentiques, il parfait sa technique pendant 6 ans. Personne ne remarque la supercherie, l’artiste copie notamment des Vermeer (1632-1675) dont il étudie pendant quatre années les techniques. Son apogée survient pendant la Seconde Guerre Mondiale, période durant laquelle les alliées ne souhaitent pas que les œuvres d’art hollandaises tombent aux mains des nazis. Finalement, le mensonge est révélé à la fin de la guerre lorsqu’on accuse le peintre d’avoir collaboré avec les nazis. Pour éviter la peine capitale, ce dernier préfère avouer sa falsification et peint un autre tableau de Vermeer, en présence de plusieurs témoins pour prouver ses dires. Les authentifications sont laborieuses, parfois très longues et nécessitent l’observation et l’étude assidue de plusieurs intervenants. Malgré tout, il arrive parfois que des tableaux passent entre les mailles du filet et soient mal identifiés.

Image dans Infobox.
L’homme au casque d’Or, Kaiser-Friedrich-Museums-Verein. Berlin, 811A, 1650

Malgré tout, il arrive parfois que des tableaux passent entre les mailles du filet et soient mal identifiés. C’est le cas du tableau L’homme au casque d’or, présent à Berlin, qui, pendant longtemps, a été attribué à Rembrandt (1607-1669). Grâce aux nouvelles techniques d’identification, du XXème siècle, dont l’autoradiographie (activation des couches sous-jacentes de peinture par un faisceau de neutrons afin d’éclairer l’infrastructure du tableau), il nous a été possible de comprendre que ce tableau n’était pas une œuvre du peintre mais sûrement d’un de ses élèves pour le moment toujours inconnu. Lorsque l’auteur a été identifié comme inconnu, le musée de Berlin s’est empressé de déclarer « il ne s’agit ni d’une copie ni d’un faux, mais d’une œuvre originale et indépendante à part entière dotée d’une valeur propre ». La difficulté de cette affaire repose sur le fait que l’attribution d’un tableau a d’énormes conséquences pour la réputation du musée. On remet en question l’expertise, mais aussi le rôle qu’a pu jouer le musée dans la présentation d’un tableau et sa mise en valeur au sein de l’édifice. Ce dernier étant également présenté comme l’un des plus beaux chefs d’œuvres de Rembrandt, toute son histoire est remise en cause ainsi que son admiration. Finalement, l’histoire se termine bien puisque le tableau a acquis une identité propre, tout en conservant son statut de chef d’œuvre. L’État et le musée ont fait le choix de la présenter comme unique et résultant d’une erreur d’expertise, ce qui lui donne aujourd’hui d’autant plus de valeur.

Article écrit par DIALLO Hawa

Bibliographie : 

BERENSON Bernard, Rudiment du connoisseurship, 1902 

BRETON Jean-Jacques, Le faux dans l’art. Faussaires de génie, Paris, éd. Hugo & Cie

DE PILES Roger, Le mercure allemand, 1789 

MAZET Pierre, Han Van Meegren : l’homme qui dupa Goering, 2020 

LE BULLETIN DES LETTRES, numéro 513, 15 février 1992, p.41

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