Hyökkäys (Attaque) par Eetu Isto, 1905; Jeune finlandaise (Aura) défendant la Loi face à l’aigle russe; peinture critiquant la russification du pays.
La finlandisation est un terme faisant référence à l’influence d’une grande puissance sur la politique extérieure d’un plus petit pays. Il est créé pour expliquer le phénomène de neutralisation d’un pays suite à l’influence d’un voisin plus puissant. Le terme apparaît pour la première fois dans les années 1950 et est particulièrement utilisé dans les années 1960-1970, notamment par les Allemands.
La Finlande est un pays d’Europe du Nord. Sa position au XXe siècle a été particulière. Elle devient indépendante en 1917 durant la révolution russe et ne stabilise son pouvoir qu’avec la fin de la Grande Guerre, hésitante à mettre en place une monarchie parlementaire avec un roi allemand à sa tête ou une république. La Finlande est reconnue et tente de s’organiser en veillant à rester en bons termes avec les pays d’Europe de l’Ouest et l’URSS qui considère toujours la Finlande comme une partie d’elle en insurrection.
La Guerre d’Hiver est déclarée en 1939, elle oppose la Finlande à l’URSS. Pour échapper à cet ennemi bien plus gros même si en difficulté, le pays décide de s’allier à l’Allemagne Nazie. La Finlande prend alors part en 1941 à la Seconde Guerre mondiale contre l’URSS. A la fin de la guerre, elle rejoint les troupes alliées et attaque les soldats allemands pendant leur retraite. Ce mouvement lui permet alors d’échapper à l’annexion par l’URSS en devenant une alliée. Le traité de Paris de 1947 entérine son indépendance et son statut de démocratie contre terres, tribut et le sacrifice de sa politique étrangère à l’URSS. C’est le début du processus de finlandisation.
A la suite du traité, la Finlande refuse d’intégrer l’OTAN même après la fin de l’URSS en 1992. Ainsi, elle ne bénéficie jamais de l’aide du Plan Marshall. De l’autre sens, elle n’appartient pas au Pacte de Varsovie en s’appuyant sur son refus perpétuel de l’OTAN. La Ligne Paasikivi, du nom du politicien et diplomate Juho Kusti Paasikivi, devient la doctrine du pays, c’est-à-dire : maintenir des relations cordiales et de confiance avec le voisin russe afin de s’assurer la paix et surtout l’indépendance. Toutefois, la Finlande intègre l’Union Européenne dès 1995.
Aujourd’hui, alors que la guerre entre l’Ukraine et la Russie a été déclarée par Vladimir Poutine, la ligne vacille. Pour la première fois, la Finlande a revendiqué “son droit à candidater à l’intégration dans l’OTAN”. En effet, la première ministre finlandaise, Sanna Marin a rappelé ce droit lors de ses vœux du premier de l’an alors que les tensions frontalières commençaient à s’intensifier.
Par ailleurs, en début mars 2022, alors que les troupes russes avancent en Ukraine, on recense pour la première fois 53% de finlandais favorables à une demande d’adhésion à l’OTAN, avec une chute de dix points pour ceux absolument contre, selon un sondage de l’institut Demoskop.
Certes, la Finlande de même que la Suède ont, depuis quelques années déjà, établi des partenariats avec l’OTAN mais il s’agit d’un moment important car l’idée d’adhésion est désormais ancrée. Le 4 mars, le président finlandais et Joe Biden se rencontrent pour discuter d’adhésion. La discussion aboutit à un renforcement de la coopération entre les Etats Unis et la Finlande sans que rien ne soit pour autant décidé.
Autre nouveauté, le “Pays aux Mille Lacs” s’engage à envoyer des armes à l’Ukraine, chose tout à fait inédite. Il s’agit tout d’abord de la première fois que la Finlande prend position aussi directement face à la Russie et qu’elle envoie des armes dans une zone de conflit, rompant un autre de ses principes. La Finlande ne vend ou n’envoie des armes qu’aux pays en paix et non engagés dans des opérations militaires étrangères. Il s’agit d’envoyer 2 500 fusils d’assaut, 150 000 munitions, 1 500 lance-roquettes et 70 000 rations de campagne.
Pour conclure, il y a un véritable tournant actuellement dans la politique extérieure de la Finlande après 75 ans de doctrine Paasikivi. Le terme finlandisation employé aujourd’hui pour décrire ce phénomène de domination de la politique extérieure d’un petit pays par un autre plus grand va peut-être devoir se renommer. La Russie a pendant longtemps essayé de l’appliquer à l’Ukraine sans jamais véritablement y parvenir, notamment après la Révolution Maiden de 2014. Avec les événements du 24 février 2022, on a vu que la Russie de Poutine est peu patiente vis à vis des jeux politiques de ses voisins et a par la même occasion rompu le lien de confiance qu’elle avait tissé avec les pays d’Europe.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
Jacques Arnault, Finlande, « Finlandisation », Union soviétique, 1981, Éditions L’Harmattan
Seppo Hentilä, Osmo Jussila et Jukka Nevakivi, Histoire politique de la Finlande : xixe – xxe siècle, éditions Fayard, 1999
https://www.eyes-on-europe.eu/la-finlandisation-une-solution-pour-la-crise-ukrainienne/
Merci pour cet article très intéressant ! Il éclaire une nouvelle facette de l’actualité aussi bien que d’un pays fascinant. Bonne continuation !