Surnommé le «Pays Du Ciel Bleu», la Mongolie est un pays connu de par son histoire, du moins pour les conquêtes de l’empereur Gengis Khan (XII-XIIIe siècles). Situé en Asie de l’Est, entre la Chine, la Russie et proche du Kazakhstan, le pays est considéré comme enclavé et dépendant de ses voisins géographiques. Cela le range parmi les «petits» pays au regard de sa politique internationale et de ses statistiques économiques. C’est à ce titre que la visite du président français Emmanuel Macron le 21 mai 2023 a fait écho dans un contexte d’après réunion du G7 à Hiroshima.
Un pays isolé et dépendant des voisins russe et chinois
Le « petit pays » n’est pas un terme qui convient au pays à la superficie d’1 500 000 km2, soit trois fois la superficie de la France. Pour autant, l’économie mongole peine à s’affirmer pour deux raisons. La première est géologique : la Mongolie est un coffre-fort géologique se composant de quelques stocks de charbon, mais surtout d’or, de cuivre et de métaux rares. D’autre part, il est riche en ressources énergétiques, à savoir l’uranium. Seulement, cette richesse en matières premières cache une économie qui n’a d’autres choix que l’extraction et l’exportation de ces minerais (entre 70 et 90 % des exportations totales selon le ministère de l’économie française, 2020).
En effet, les secteurs agricole et tertiaire rencontrent des difficultés pour se développer au même titre que les villes bien qu’apportant un peu de diversification économique. La Mongolie est donc très dépendante du cours de ces minerais. D’après le ministère français de l’économie, c’est ce qui a valu au pays une récession économique lorsque le prix des matières premières a chuté et que la frontière chinoise s’est fermée.
L’autre facteur est la pression chinoise et russe. D’une certaine manière, l’économie mongole aurait du mal à tenir sans les contrats avec les deux pays qui captent la quasi-totalité des exportations. Cependant, le pays doit d’une part équilibrer ses relations entre ces deux pays, comme le rapporte Antoine Maire (chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique). D’autre part, la monopolisation par ces pays des exportations empêchent les mongoles de s’ouvrir à d’autres marchés et acteurs. Une stratégie économique qui profite de ce fait aux pays voisins que le concerné lui-même.
Dans ce contexte, la Russie et la Chine discutent également de la construction du gazoduc «force de Sibérie 2» reliant les deux pays en passant par la Mongolie. Des discussions intéressantes, notamment car lorsque l’accord parait conclu, la présence politique mongole n’est pas très apparente, bien que des accords aient été signés avec l’État intéressé.
Mais qui développe une stratégie du « troisième voisin »
La stratégie du « troisième voisin », soulignée par Antoine Maire, vient montrer comment la Mongolie tente de s’extirper de la balance économique actuelle. Le « troisième voisin » est en fait un ensemble de pays occidentaux dans lequel nous retrouvons les Etats-Unis, le Japon, la France, etc.
Cet ensemble vient proposer un contrat gagnant-gagnant. Pour les mongoles, échanger avec ces pays permet une ouverture économique avec plusieurs acteurs du commerce mondial. Cela s’illustre par de longues relations diplomatiques entre le Japon et la Mongolie (50 ans le 24 février 2022) qui amènent à un partenariat stratégique pour la paix et la prospérité afin de soutenir la transition écologique et l’économie mongole. Soutien également apporté par les Etats-Unis qui lance le 17 mai 2023 un fond pour la recherche et l’innovation dans le secteur énergétique mongol, qui vient compléter un premier apport du dit pays à hauteur de 12 millions de dollars. La visite du 21 mai 2023 d’Emmanuel Macron est « géostratégique » d’après son entourage (Ricard, 2023) : la France est notamment en quête d’une ouverture du marché mongole de l’uranium et soutient la transition énergétique que le pays veut entamer.
Mais l’intérêt n’est pas que mongol et s’inscrit aussi dans un placement de pions en Asie de l’Est. Si d’un côté, l’Europe fait face au conflit ukrainien avec la Russie, les tensions à Taiwan avec la Chine ne cessent d’augmenter. Il est admis que les américains, conjointement avec les japonais et les pays de l’Asie du Sud-Est forment une alliance dans la perspective de signaler leurs présences et éventuellement d’exercer une pression.
De ce fait, la Mongolie est un pays très bien placé stratégiquement. En matière de renseignement, selon Antoine Maire, la Mongolie, malgré les problèmes soulignés plus haut, communique fréquemment avec ses voisins et capte donc des informations auxquels les occidentaux ne sont pas avertis. La présence des ambassades française et américaine en Mongolie joue donc un rôle-clef dans l’obtention de ces informations. Ces ambassades sont aussi des symboles diplomatiques de l’ouverture de la Mongolie au reste du monde et un moyen pour les pays occidentaux d’avoir une marge d’intervention à court terme en matière diplomatique notamment.
Marius LINARD
Bibliographie :
– Bolor Lkhaajav, Bolorerdene Bazarsuren, (2022, 28 février), “Mongolia and Japan Celebrate 50 Years of Diplomatic Relations”, The Diplomat
https://thediplomat.com/2022/03/mongolia-and-japan-celebrate-50-years-of-diplomatic-relations/
– Delphine Papin, (2023, 22 avril), “La Mongolie, piégée par ses ressources et par ses voisins : tout comprendre en une carte” dans le podcast Les Cartes en mouvement d’après une carte du Monde, France Culture
– E.Erdenejargal, (2022, 29 novembre), “Mongolia and Japan Declare “Special Strategic Partnership for Peace and Prosperity”, Montsame News Agency (Agence de presse nationale mongole)
https://montsame.mn/en/read/308966
– L’équipe Le Monde avec l’Agence France Presse (AFP) (2023, 21 mai), “Emmanuel Macron en visite en Mongolie, une première pour un président français”
– MAIRE Antoine, « Les évolutions stratégiques d’un « petit pays » et leur importance pour la France : le cas de la Mongolie », Les Champs de Mars, 2018/1 (N° 30 + Supplément), p. 253-261. DOI : 10.3917/lcdm.030.0253. URL : https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-2018-1-page-253.htm
– MAIRE Antoine (2022, 6 Juin),« La Mongolie contemporaine, enjeux et défis géopolitiques » , Areion24, Areion Group
https://www.areion24.news/2022/06/06/la-mongolie-contemporaine-enjeux-et-defis-geopolitiques/
– Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (2020, 31 décembre), “Indicateurs et conjoncture de la Mongolie”
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/MN/indicateurs-et-conjoncture
– Ministry of Foreign Affairs of Japan, (2014, 1er septembre), “Japan-Mongolia Relations (Basic Data)”
https://www.mofa.go.jp/region/asia-paci/mongolia/data.html
– Mongolbank (2019), “Foreign Direct Investment (FDI), And it’s importance”, “Dynamic and structure of FDI Chapter”
– Noémie Taylor-Rosner d’après Al-Jazeera, Financial Times, CNN, et Le Temps (2023, 22 mars), “À Moscou, Poutine et Xi dessinent les contours d’un “pacte antioccidental””, Courrier international
– Philippe Ricard (2023, 21 mai), “Emmanuel Macron en Mongolie, une visite express mais « géostratégique »”, Le Monde
– U.S. Embassy in Mongolia, (2023, 18 mai), “United States Launches New Grant Program to Advance Clean Energy in Mongolia”
Super intéressant ! L’avenir de ce pays enclavé entre la Russie et la Chine semble donc sur un avenir plutôt bon, c’est toujours enrichissant de parler de pays “secondaire” sur le plan géopolitique, cela donne de nouvelles perspectives sur le monde