L’endométriose, une pathologie encore mystérieuse

La France a lancé le 11 janvier 2022 une campagne de lutte contre l’endométriose, devenant un pays pionnier dans la prise en charge de cette pathologie. Cette maladie encore assez mystérieuse connaît dès lors une mise en lumière. 

L’endométriose est une maladie gynécologique chronique qui se caractérise par la croissance anormale de tissu semblable à la muqueuse de l’utérus (appelée endomètre) à l’extérieur de l’utérus. Ce tissu peut se développer sur les organes pelviens tels que les ovaires, les trompes de Fallope, la paroi pelvienne, ainsi que d’autres organes situés dans la région pelvienne et, dans de rares cas, en-dehors de cette zone.

Pour la majorité des femmes, cette pathologie apparaît à la puberté et entraîne de violentes douleurs dans le bas-ventre principalement pendant les règles, mais peut également entraîner d’autres problèmes comme notamment des troubles digestifs. Cette maladie entraîne donc une incapacité variable pour les femmes qui sont touchées par cette maladie.
Aujourd’hui, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) : « L’endométriose touche près de 10 % des femmes et des filles en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit 190 millions de personnes ». Pour autant, en France, il faut en moyenne 8 ans avant d’obtenir un diagnostic.[1]

Bien qu’il n’existe aucun traitement pour cette maladie à ce jour, le fait que les pouvoirs publics se soient emparés de ce sujet laisse présager un changement dans l’avancée de la prise en charge des femmes touchées par l’endométriose. Mais où en sommes-nous en France aujourd’hui ?

Brève histoire de la découverte de l’endométriose

Les premières potentielles connaissances de cette maladie remontent à l’Égypte ancienne. Le papyrus Ebers datant de 1550 avant J.-C. décrit des « troubles douloureux des menstruations ». 

En Grèce antique, on en a des attestations, notamment au travers des écrits d’Hippocrate datés du quatrième siècle avant Jésus-Christ qui font référence à des symptômes similaires à ceux de l’endométriose. Pour autant, celui qu’on qualifie comme le « père de la médecine », voit l’utérus comme une sorte d’entité indépendante qui se déplace dans notre corps, pouvant expliquer les changements d’humeurs des femmes.

Au Moyen-âge et à la Renaissance, les douleurs gynécologiques sont associées à la possession démoniaque, à l’hystérie. L’hystérie reste d’ailleurs associée aux femmes. Si on prend l’étymologie du mot, cela vient du grec « hustera » qui signifie matrice ou utérus.

C’est en 1860 que Karel von Rokitansky, un chirurgien qui découvre l’endométriose sous le nom de cystosarcome, décrira ces symptômes mais sans prendre en compte le lien avec les précédentes maladies. 

Source : Pixabay, « anatomie de l’utérus ».

Prise en compte de l’endométriose par les pouvoirs publics

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé début 2022, dans une allocution télévisée, le lancement d’une Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. Celle-ci devient alors une cause nationale, un enjeu de santé publique. 

Cette stratégie a pour but d’investir dans la recherche et la création de filières de soins régionales. C’est la première fois que l’Etat français montre une telle implication pour la cause qui n’avait connu jusqu’alors que de rares avancées telles que l’ajout en 2020 de 2h consacrées à l’endométriose dans le cursus des étudiants en médecine de 2ème cycle.[2] La France n’est pas le seul pays à avoir mis en place de telles mesures, l’Australie a elle aussi lancé un plan d’action nationale pour l’endométriose en 2018.

L’Assemblée Nationale a voté, le 13 janvier 2022, une résolution portée par les députés de La France insoumise pour reconnaître l’endométriose comme affection longue durée (ALD). Cela permettrait concrètement d’inscrire l’endométriose à la liste de l’ALD30 et d’obtenir un remboursement en intégralité pour les soins en lien avec la maladie. Pour l’instant, il est simplement possible d’obtenir l’équivalent de ce statut mais seulement après une étude au cas par cas avec l’ALD31 hors liste. Cependant, la réalité est que peu de femmes ont accès à ce dispositif. Ce vote de l’Assemblée n’ayant pas de mesures contraignantes, il n’a donc pas été appliqué par le gouvernement.

Concernant le droit du travail, le 15 février 2024, le Sénat a rejeté la proposition d’un congé menstruel pour les femmes qui sont touchées par des règles douloureuses. Pour autant, des entreprises ou des villes comme Lyon ou Saint-Ouen mettent en place ce genre de mesures, et plus récemment en Loire-Atlantique, dans la commune d’Orvault, depuis janvier 2024.

Les avancées sur le domaine politique restent donc assez compliquées, l’Etat s’est emparé du sujet mais il n’existe pas de reconnaissance réelle et institutionnelle pour les personnes touchées. Les associations engagées dans la lutte de l’endométriose comme  “EndoFrance” ou “ENDOmind” restent les principaux acteurs qui luttent depuis des années pour la reconnaissance de cette maladie.

Emilie NIORT

Notes de bas de page :

[1] Koechlin Aurore, « Comprendre le retard diagnostique de l’endométriose. Le rôle des gynécologues et de la consultation gynécologique ordinaire », Journée d’étude Endométriose et inégalités, Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, 21 et 22 octobre 2021.

[2] Arrêté du ministère de l’enseignement et de la recherche publié au Journal Officiel le 10 septembre 2020.

Bibliographie :

  • Alice Romerio. L’endométriose au travail : les conséquences d’une maladie chronique féminine mal- reconnue sur la vie professionnelle. Connaissance de l’emploi, 2020, n° 165.                                           https://shs.hal.science/halshs-02995986
  • Camran Nezhat M.D., Farr Nezhat M.D., Ceana Nezhat M.D., Endometriosis : ancient disease, ancient treatments. Fertility and Sterility, Volume 98,  Issue 6, Supplement, December 2012.                 https://doi.org/10.1016/j.fertnstert.2012.08.001
  • Jean Rosenbaum, Nicolas Bourdel, Saadi Khochbin, Marina Kvaskoff, Sachiko Matsuzaki, et al.. Des pistes de réflexion pour la recherche sur l’endométriose en France. Médecine/Sciences, 2022, 38 (3), pp.274-279. 
https://hal.science/hal-03620437
  • Koechlin Aurore, « Comprendre le retard diagnostique de l’endométriose. Le rôle des gynécologues et de la consultation gynécologique ordinaire », Journée d’étude Endométriose et inégalités, Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, 21 et 22 octobre 2021.

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