Dubaï, un hub global qui attire l’argent sale

De ville côtière moyenne avec une tradition marchande dans les années 60 à vitrine des Émirats arabes unis, Dubaï se développe et s’insère dans le système mondial au point de faire de l’ombre à la capitale Abou Dabi. Toutefois, la situation se discute depuis la crise économique de 2008 d’autant que la ville se veut aussi être une opportunité pour les investissements à base d’argent sale. 

L’expansion fulgurante d’une ville dans le système mondial

Les Émirats arabes unis sont un état fédéral qui se compose de septs émirats dont Dubaï. Ce statut juridique permet à la ville de disposer d’un pouvoir de décision économique et urbanistique plutôt important qui entraînera son développement.

À l’instar de Singapour, Dubaï se développe en capitalisant sur ses activités portuaires et logistiques. À l’entrée du golfe Persique, le port de Jebel Ali, port en zone franche construit en 1976, permet de réexporter les conteneurs destinés à différents pays du Moyen-Orient. Il en fait aussi un lieu privilégié pour exporter des ressources qui font par ailleurs une grande partie de la richesse du Moyen-Orient, à savoir les hydrocarbures. Selon Matthieu Etourneau, représentant aux Émirats arabes unis de MEDEF International (Fédération française des entreprises), Dubaï commerce d’abord avec l’Iran, ensuite avec l’Inde etc… L’émirat possède encore aujourd’hui l’un des 20 ports à conteneurs les plus importants au monde.

Dans cet élan, Dubaï ne va pas se contenter de sa position de hub portuaire. En effet, elle va devenir un espace privilégié pour plusieurs investissements. Dans les infrastructures d’abord, puis dans l’immobilier et enfin dans la finance avec des restrictions arrangeantes (notion de “hub financier”, Etourneau). De nombreuses zones franches vont être créées, le secteur industriel va fortement se développer jusqu’en 2024 où peuvent se retrouver d’importantes entreprises de la high-tech et de l’ingénierie. La ville cherche aussi à développer son secteur touristique et construit un aéroport international qui a accueilli en 2019 le plus grand nombre de passagers internationaux. Pour autant, si cette stratégie de hub global suit son cours, les acteurs de la croissance de la ville ne sont pas tous honnêtes.

Une croissance soutenue par le blanchiment d’argent

Matthieu Etourneau rappelle que l’expansion de la ville depuis les années 2000 attire certes des entrepreneurs et touristes fortunés, mais aussi des individus souhaitant profiter du contexte légal pour blanchir de l’argent. Entre les zones franches et l’image d’un paradis bancaire où les infrastructures et l’immobilier sont en pleine croissance, de l’argent issu du trafic de drogue ou de la fraude fiscale vont faire tourner les activités de la ville. 

Dans l’enquête NarcoBusiness menée par le journal Le Monde, nous apprenons que le cartel mexicain de Sinaloa investit des dizaines de millions de dollars dans des sociétés écrans à Dubaï. L’enquête “Dubaï Uncovered” du même journal révèle la ville comme le plus grand centre immobilier offshore au monde. Ceci est un problème car une fois l’argent investi dans l’immobilier, l’argent sale ne peut plus être tracé par les États étrangers comme les Etats-Unis. Ce traçage est important pour lutter contre les activités criminelles, par exemple dans le cadre d’une coopération judiciaire internationale.  

Entre autres, la ville attire aussi l’argent de l’évasion et de la fraude fiscale comme le révèle la cellule investigation de Radio France et de l’Obs en 2018 avec les “Dubaï Papers”. Plus exactement, la ville est un lieu fort qui sert les intérêts d’un réseau international de fraude fiscale. Bien qu’il soit impossible de quantifier la part de l’argent blanchi, si nous considérons les différentes révélations, il apparaît presque sûr que le montant des sommes issues de l’argent sale dépasse très largement le milliard de dollars. 

Vers un nouveau départ ?

En concurrence avec l’émirat d’Abou Dabi, Dubaï doit tout de même revoir ses rapports de force depuis l’éclatement de la bulle immobilière de 2008 et va chercher d’une certaine manière à ne plus s’afficher comme un “hub du blanchiment d’argent”. L’émirat travaille en coopération depuis cette date avec le groupe d’action financière GAFI qui lutte contre de tels phénomènes. L’émirat va aussi renforcer ses exigences en matière de transparence financière sur le long terme et annonce en 2023 la création d’entités fédérales de poursuite spécialisées dans les crimes économiques et le blanchiment d’argent. Des décisions dont les effets sont encore inconnus alors que, depuis la guerre en Ukraine, les afflux d’argent vers Dubaï s’accélèrent. Elles ont cependant le mérite de contenter les collaborateurs étrangers, notamment le GAFI, qui retire les Emirats de son régime de surveillance renforcée. 

Marius LINARD

Bibliographie

  • Le Figaro avec l’AFP. (2024, 23 février). Blanchiment d’argent : le Kenya et la Namibie placés «sous surveillance renforcée», les Emirats retirés de la liste. Le Figaro https://www.lefigaro.fr/conjoncture/blanchiment-d-argent-le-kenya-et-la-namibie-places-sous-surveillance-renforcee-les-emirats-retires-de-la-liste-20240223

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