Armes et pratiques de guerre en Ukraine, les civils au cœur de la tempête

Des chars russes s’entraînent en Belarus, janvier 2022

Le 24 février 2022, la Russie lançait ce qu’elle appelle une opération militaire en Ukraine. Cet article ne peut et ne veut pas faire l’explication de ce conflit qui évolue très rapidement. Ainsi, il se concentre sur l’utilisation d’armes et pratiques de guerre. 

Les images et informations des journalistes occidentaux montrent une résistance ukrainienne surprenante face aux troupes russes. Kyiv, la capitale ukrainienne, en état de siège depuis quasiment le début des hostilités, tient bon. Stratégie russe de détournement de l’attention ou réelles difficultées, il est trop tôt pour le dire. Toutefois, il semble que les Russes soient surpris par la résistance ukrainienne. C’est dans ce contexte qu’apparaît du côté russe l’utilisation d’armes particulières. 

Le 26 février, des civils ukrainiens prennent en vidéo un lance-missile TOS-1 russe, il s’agit d’une machine de guerre à vingt-quatre tubes de lancement. Son utilisation est exclusivement dédiée aux armes thermobariques.

Image illustrative de l'article TOS-1
TOS-1A lors d’un défilé à Moscou en 2010
https://twitter.com/fpleitgenCNN/status/1497519335350452231 

Ces armes sont très critiquées mais utilisées par de nombreux pays et autorisées car elles ne figurent pas dans la Convention de Genève. 

Leur fonctionnement est relativement simple : le projectile comporte un réservoir de liquide ou poudre volatile et surtout combustible. Ajouté à cela, une première charge d’explosif qui permet d’ouvrir des brèches et le réservoir, éparpillant dans l’air le contenu. La substance peut s’infiltrer dans les interstices et les vêtements, le tout sur un périmètre très large. Une deuxième charge explosive embrase le tout, provoquant une dépression de l’air. Ces armes sont une à deux fois plus puissantes que les bombes ou missiles conventionnels. Les personnes dans son rayon d’action, près de 300 mètres, sont vaporisées. La dépression de l’air produite ensuite raréfie l’air dans un périmètre large provoquant des chocs pulmonaires mortels ou sévères. Ces armes sont très critiquées car elles sont très violentes, elles ont quasiment la nomination d’armes de destructions massives. Au surplus, beaucoup de civils sont impliqués et des aires urbaines sont touchées. 

Un autre type d’armes fait aussi  élever des voix. Il s’agit des armes à sous munitions qui sont interdites par près de 107 pays dans le monde depuis 2008. Ces armes sont très critiquées parce qu’elles touchent majoritairement les civils. L’ONG Handicap International établit en 2007 un rapport faisant état que 98% des victimes de ces armes sont des civils dont 27% sont des enfants. Les victimes sont souvent touchées après l’explosion car l’organisation estime que près 40% des munitions n’explosent pas à l’impact et peuvent rester “endormies” plusieurs dizaines d’années.

Schema de fonctionnement des armes a sous munitions
Arme à sous munitions, schéma explicatif

Il s’agit d’un conteneur rempli de petites munitions explosives au cœur duquel se trouve une charge plus importante destinée à éparpiller ces petites munitions. Ces armes permettent de toucher un rayon d’action important, une à plusieurs centaines de mètres, en neutralisant du personnel et du matériel tout en consommant moins de munitions. La Russie, non signataire des traités de la Convention d’Oslo (2008), semble décidée à utiliser ces armes qui ont déjà touché des zones civiles en atteste des vidéos amateures. 

Enfin, une autre problématique majeure liée à l’utilisation de ces armes, ce sont des pratiques militaires ukrainiennes cette fois. Tout d’abord, les Ukrainiens sont dans une logique de résistance, de nombreux civils prennent part aux combats. La guerre du Donbass depuis 2014, a fait évoluer les pratiques puisque l’armée s’est révélée incompétente et dépassée lors de l’insurrection et l’invasion de Crimée. Ainsi, on a des “bataillons de défense territoriale” qui sont constitués de soldats mais également et majoritairement par des civils formés au maniement des armes mais pas aux législations et organisations de guerre. La mobilisation est massive et les techniques de combat sont faites pour de la guérilla et de la confrontation urbaine. Ces bataillons se déploient dans des zones résidentielles et sont donc ciblés par les forces russes qui pilonnent les zones civiles pour s’en débarrasser. Les volontaires ne maîtrisent pas les codes de l’armée en matière de cessez- le-feu et peuvent évoluer en électrons libres à certains moments. Cela rend la tâche très compliquée aux Russes mais met en danger des civils qui peuvent être pris dans un mouvement de volontaires qui traversent ou s’installent dans des zones civiles. Toutefois, les récents événements comme le bombardement du théâtre de Mariupol attribué aux russes, laissent penser qu’ils ne se préoccupent pas de la présence ou non de soldats pour pilonner des espaces urbains malgré la présence de civils et leur prévention.  

En somme, alors qu’au sixième jour de la guerre le Kyiv Independent, journal pro-ukrainien, recense deux milles morts civils dont plusieurs enfants, le conflit ne semble pas prêt de s’arrêter. Malgré le début des discussions entre les dirigeants russes et ukrainiens, la paix semble très lointaine voire impossible.

Il est à craindre qu’avec ces pratiques et ces armes, les victimes civiles augmentent lourdement comme cela a été le cas en Syrie avec les conflits urbains de Damas.

Sources: 
« Guerre en Ukraine: l’Ukraine déplore la mort de 2.000 civils, le Pentagone affirme que les troupes russes manquent de vivres (direct) » [archive], sur sudinfo.be, (consulté le 3/03/2022)
Damien Dole, « Bombes à sous-munitions: que sont ces armes utilisées en Ukraine? » [archive], sur Libération (consulté le 2/03/2022)
 « Rapport de Handicap International – mai 2007 »
https://handicap-international.fr/fr/actualites/–30—de-victimes-d-armes-a-sous-munitions-en-trois-ans (consulté le 3/03/2022)
https://actualitescanada.com/quest-ce-quune-arme-thermobarique/ (consulté le 3/03/2022)
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/28/guerre-en-ukraine-la-resistance-ukrainienne-est-une-epine-dans-le-pied-de-poutine_6115609_3210.html (consulté le 3/03/2022)
https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-03-03/qu-est-ce-que-la-bombe-thermobarique-cette-arme-terrifiante-detenue-par-les-russes-c2f8ea8d-6211-4c2d-987c-957d52e03307 (consulté le 9/03)

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