Moins connue que la coccinelle ou que la 2CV, la Trabant a pourtant acquis un petit statut “culte”et trouve sa place parmi les voitures de collection. Cette automobile fut délaissée après la chute du mur de Berlin. En effet, dans l’histoire de cette voiture résonne celle d’une industrie soviétique en déclin. Coup de rétroviseur vers le passé de la Trabant.
La première Trabant fut présentée en 1954 sous le nom de P-50. Cette dernière fut créée pour remplacer l’antique IFA-F8 de 1939 qui, déjà à sa sortie, était en retard sur ses homologues européennes. Sa création est aussi une demande du gouvernement Est-Allemand voulant une nouvelle voiture pour les classes populaires et moyennes. Le conseil des ministres de la RDA alloue 4000 marks pour le développement de la voiture et confie le projet à à Sachsenring. Cette marque se scinde à partir des années 1960 pour donner Audi, BMW et Mercedes-Benz. Les ingénieurs de la marque décident de faire économique et simple. Très simple. Le moteur est un deux temps bi-cylindrique de 23 chevaux fonctionnant avec un mélange d’essence et d’huile à la manière des motoculteurs d’aujourd’hui. Ce mélange avait d’ailleurs la particularité de lâcher un nuage bleuté du pot d’échappement et de donner au moteur un bruit de mobylette très caractéristique. Ce carburant spécial dispense le voiture d’une pompe à essence et de pompe à huile. Pas de pompe à eau non plus car le refroidissement n’est pas par eau mais par air et se fait par une turbine latérale à la manière des Porsche de l’époque. Pour la carrosserie, pas de métal à cause de la pénurie, qui sévit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui oblige les ingénieurs à créer le Duroplast. Un matériau composite inoxydable fait à base de papier, de verre et de micanite (alliage de mica et de papier) compressé et fondu. Le Duroplast devient plus tard célèbre en devenant le matériau principal pour les abattants de cuvette de toilette. Sa carrosserie tenant plus du plastique que du métal vaut aux Trabants le surnom de « bombardier en plastique ». La P50 est une poids plume : 600 kilos à vide pour une vitesse maximale de 95 km/h soit 20 km/h de moins que la coccinelle de Volkswagen, sortie 16 ans plus tôt…
En 1957, la marque cherche un nom pour la voiture. Et c’est à l’occasion du lancement de Spoutnik, que le nom « Trabant » (satellite en allemand) est choisi. En Juillet 1958, la production commence avec pour objectif 50 000 exemplaires par an. A la fin de l’année, seuls 1730 exemplaires sortent des usines mais les années suivantes, la production s’accélère. En effet, sa principale concurrente, la Zwickau P70, se retire de la production en 1959, laissant la Trabant seule dans les lignes d’assemblages Est-allemandes. La voiture produite à plus de 130 000 exemplaires. En 1962, sort la Trabant 600, sensiblement similaire, les seuls changements résident dans un moteur légèrement plus puissant : la voiture atteint enfin les 100 km/h ! Et il faut maintenant 24 secondes pour atteindre 80 km/h au lieu des 30 de la P50. Les voitures sont parfois peintes en bicolores et le coffre est agrandi.
Le grand changement arrive en 1964 avec la Trabant 601. En constatant les sorties automobiles en Europe, les ingénieurs est-allemands remarquent que l’heure n’est plus aux rondeurs. On préfère maintenant les angles presque droit et des formes rectangulaires. Ils s’inspirent de la Peugeot 404 pour redessiner la voiture. La Trabant 601 est désormais plus grande et plus fonctionnelle et le moteur développe maintenant 26 chevaux qui lui permet d’atteindre les 110 km/h. Contrairement à ses prédécesseurs, la 601 ne semble pas sortie d’une autre époque, elle s’exporte même à l’étranger. Des versions breaks et décapotables pourvu de sellerie en cuir seront produites mais uniquement pour l’exportation. Seule la puissance et les matériaux utilisés laisse cette impression de “bombardier en plastique” et l’empêche d’atteindre le niveau de ses consoeurs occidentales. Elle sera considérée comme la voiture la moins chère de tout le bloc communiste : 9000 marks. Soit un an et demi de salaire pour un ouvrier moyen Est-allemand. Et la production Est-allemande étant ce qu’elle est, il fallait compter entre neuf et quinze ans avant de recevoir sa voiture. La Trabant représente, à ce moment, 70% de la production automobile en Allemagne de l’Est, devenant un symbole de l’industrie communiste.
Elle deviendra une voiture très populaire dans les autres pays du bloc de l’Est comme la Pologne, la Tchéquie ou les pays baltes. La police, l’administration, la poste et les ouvriers possèdent des Trabant, pas par choix mais par nécessité. Elle représente le meilleur rapport qualité/prix, elle est relativement fiable et sa simplicité la rend aisément réparable : quand on a une Trabant, c’est pour la vie ! Sa popularité fait que les garagistes regorgent de pièces de rechange et ces derniers sont d’ailleurs de véritables spécialistes de cette automobile, puisqu’ils n’ont souvent pas l’occasion de réparer d’autres voitures. Les vidéos d’archives nous permettent de constater l’omniprésence de la voiture dans les rues de Berlin, plongées dans un smog bleuté.
De 1964 à 1989, presque trois millions de Trabant furent construites. Cette dernière n’évolue pas ou très peu. Progressivement, elle est complètement dépassée par les voitures occidentales. En réponse, Sachsenring présente de nombreux prototypes pourvus de moteurs, carrosseries et systèmes de sécurité plus modernes. Mais l’économie est-allemande n’avait pas les ressources pour financer la production d’un nouveau modèle. La pauvreté de l’industrie se ressentira même dans la peinture des Trabant. En effet, on peignait les voitures selon les stocks disponibles. Ainsi, on peut dater les voitures par leurs couleurs : les rouges sont souvent plus anciennes, les blanches commencent à partir des années 1980 et les bleus sont les plus modernes.
En 1989, lors de la chute du mur de Berlin, les occidentaux voient sur leurs téléviseurs ces petites voitures sortir du mur. Démodée, arborant des couleurs passées, la Trabant semble venir d’un autre temps. Elle est à l’image de l’Allemagne de l’Est : en retard. Sachsenring lance désespérément une version équipée d’un moteur Volkswagen de 4 cylindres mais le retard à rattraper est bien trop grand. La production cesse en 1990, le marché est-allemand étant envahi par les modèles plus récents et performants de l’Ouest, la Trabant n’a plus de raison d’exister. Toutefois, cette voiture est restée dans les mémoires. Symbole d’une époque révolue, elle est devenue un véritable objet de nostalgie se vendant à prix d’or pour les modèles les mieux conservés. Aujourd’hui, plus de 30 000 Trabant sont encore en circulation rien qu’en Allemagne et des festivals sont organisés chaque année pour célébrer la mémoire de celle que l’on appelle la “Rennpappe”. Traduction : la voiture en carton.
Article écrit par Mathys Papin
Sources :
https://blog.livea.fr/2019/04/24/le-duroplast-materiau/
https://www.standox.com/fr/fr_FR/60-years/one-visit-application/der-trabant-kommt-.html
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Trabant_P50_et_P60
https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-usine-trabant_1441007.html
https://www.carjager.com/blog/article/trabant-601-histoire-dun-symbole-de-la-chute-du-mur.html
https://www.sovietauto.fr/2014/09/pourquoi-la-trabi-est-elle-toujours-une-voiture-culte.html
https://www.youtube.com/watch?v=Ixz0i8TKX9g
https://www.youtube.com/watch?v=Ab85x0Avknc&ab_channel=Caradisiac
https://www.youtube.com/watch?v=gxp1SLOsdAQ&t=138s&ab_channel=DrivingismyPassion