Créée en 1998 par le chercheur américain Martin Seligman, la psychologie positive est considérée « comme l’étude scientifique des aspects positifs de la vie » qui promeut « un sentiment de bien-être et d’accomplissement » (Matthieu Ricard, 2017, cité par Kadri, 2018). Cette discipline fait de plus en plus l’objet de nombreuses recherches scientifiques internationales et d’applications cliniques, notamment dans les hôpitaux auprès des patients isolés socialement.
Ainsi, intéressons-nous à cette récente forme de psychologie qui permet de donner du sens à la vie (Seligman, 1999, cité par Berlan, 2022).
7 millions de français sont en situation d’isolement social (Fondation de France, 2020). Cette notion, souvent évoquée dans les médias, représente un manque d’interactions avec autrui, fortement lié à la solitude (Bedrov et Gable, 2022). Elle comprend des individus de tous âges : des jeunes enfants, des adolescents, des adultes et des personnes âgées, qui sont notamment hospitalisés. À savoir que des traumatismes (violences, accidents, etc.) ou des facteurs de stress (dépression dure, maladies, etc.) peuvent être à l’origine de l’isolement social (Bedrov et Gable, 2022) et d’une entrée en établissement de santé.
Par conséquent, comment la psychologie positive s’inscrit-elle, dans les hôpitaux, comme l’une des solutions qui « améliore l’humeur et le bien-être » (Andrewes, 2014) ?
« […] Au cours des 60 dernières années, la psychologie et la psychiatrie ont pu se prévaloir à juste titre de rendre les gens malheureux moins malheureux » (Seligman, 1999, cité par Kadri, 2018). C’est à partir de cette réflexion datant de 1998, que Martin Seligman souligne une conséquence qui sera l’essence même du fondement de la psychologie positive : « […] La mission consiste à rendre les gens relativement sains plus heureux. » (cité par Kadri, 2018)
Le postulat de base de la psychologie positive est bien défini : la finalité n’est pas d’accompagner des patients présentant une psychopathologie (comme en psychologie clinique) mais d’offrir la possibilité d’éveiller des capacités de réflexion et d’action pour améliorer son quotidien, s’épanouir et connaître le sentiment de bonheur (Seligman, 2004, cité par Kadri, 2018). Par ce biais, un individu se concentre, aussi bien sur le développement de son bien-être et de sa santé mentale que de leur maintien.
Les effets de la psychologie positive ont été prouvés : cette discipline est un véritable atout qui aide la population à atteindre ses objectifs et à améliorer son quotidien. L’une des notions les plus abordées en psychologie positive est « la force ». Selon Sean Slovenski, président de Care Innovations, une entreprise américaine qui crée des logiciels médicaux, (s.d.), les chercheurs du domaine sont convaincus que mettre en évidence les forces qui sommeillent en nous permet d’atteindre un état de bien-être durable. Pour illustrer, la créativité peut être un atout (parmi d’autres) d’un individu. Grâce à la psychologie positive, il peut apprendre à l’utiliser à bon escient dans son travail ou ses loisirs personnels par exemple. Cela le conduira à développer sa confiance en lui, à s’accomplir et à reconnaître sa valeur, donc, à améliorer sa propre estime.
Afin que le grand public mette à profit ses forces personnelles, beaucoup de livres publiés par des psychologues donnent des conseils, des astuces et proposent des exercices pour utiliser la psychologie positive dans son quotidien. Par exemple, dans son ouvrage 3 kifs par jour, l’auteure Florence Servan-Schreiber propose des exercices visant à améliorer ses capacités et à se concentrer sur le positif plutôt que corriger ses défauts.
Par ailleurs, la psychologie positive élargit progressivement son champ d’actions en établissant des actions de lutte contre l’isolement social des patients hospitalisés.
La question de l’isolement social en milieu médicalisé intéresse les chercheurs en psychologie positive qui proposent des applications cliniques. Cette problématique, associée « à des niveaux de soutien social plus faibles » (Bedrov et Gable, 2022) doit plus que jamais être résolue pour aider les individus à se sentir mieux mentalement.
Une étude menée par Lulgjuraj et Maneval (2020), a montré que le soutien moral des parents d’enfants malades ou des soignants réduisait les effets négatifs de l’hospitalisation (changement du quotidien, moins de relations sociales, etc.) et les facteurs de stress (examens médicaux, prises de sang, etc.).
Concernant les adultes isolés et hospitalisés, Gammon (1998, cité par Alzahrani, 2021) a expliqué qu’ils « montraient davantage de sentiments d’anxiété, de dépression et de faible estime de soi que les patients qui recevaient des soins dans des chambres d’hôpital partagées ». Holloway et al. (1998, cités par Alzahrani, 2021) ont également ajouté qu’un sentiment d’anxiété concernant l’hospitalisation actuelle, le retour à une vie « normale » et « l’incapacité à faire face à la solitude » était très fréquent.
Ces facteurs sont renforcés pour les patients admis en réanimation : Chiarchiaro et al. (2013, cité par Alzahrani, 2021) ont constaté une forte baisse du bien-être émotionnel, fonctionnel et physique. De plus, Timmermann et al. (2015, cités par Alzahrani, 2021) ont noté un sentiment d’impuissance ressenti auprès de sujets admis à l’hôpital pour des maladies.
Selon Bolier et al. (2013) « l’utilisation d’interventions psychologiques positives peut être considérée comme une stratégie complémentaire dans la promotion et le traitement de la santé mentale. » Bolier et son équipe ont mené une expérimentation sur des sujets de la catégorie « grand public » (sans aucun trouble psychologique et ne séjournant pas dans un établissement de santé) et sur des individus présentant des « problèmes psychosociaux spécifiques » (comme la dépression).
Les résultats ont indiqué l’impact positif des interventions de psychologie positive : plus la durée des activités en lien avec cette discipline est longue, plus les effets sont importants. Après 8 mois d’interventions de psychologie positive, la santé mentale des sujets souffrant de dépression s’est améliorée positivement entre 30 % et 40 %.
Ainsi, tous ces éléments nous conduisent à dire que la psychologie positive conduit de plus en plus d’organismes publics ou privés à agir auprès des personnes isolées en faveur de leur bien-être psychologique.
Dans le milieu hospitalier, un grand nombre d’associations interviennent auprès des individus de tous âges qui ont une maladie et qui sont isolés de contacts sociaux avec des proches. Des psychologues sont présents aux côtés des malades pour leur apporter expertise, présence et soutien plusieurs fois par semaine.
L’idée est de proposer des activités ludiques centrées sur la psychologie positive afin d’apporter de la joie dans le quotidien parfois morose de ces sujets. Ces activités sont sélectionnées et ciblées selon les besoins et l’âge de l’individu concerné afin de contribuer au mieux à « un état de bien-être » (Organisation mondiale de la santé, 2004, cité par Bolier et al., 2013).
En effet, un enfant pourrait imaginer un tableau avec des petits défis quotidiens à réaliser (apprendre à lire une longue phrase, compter jusqu’à dix, etc.) dans lequel il collerait un autocollant pour chaque activité acquise. En plus d’être bénéfique sur le plan pédagogique, cette méthode de psychologie positive lui permet de prendre confiance en ses capacités et en en lui-même (association « On fait un jeu », 2021).
Un adolescent et un adulte pourraient tenir un bullet journal quotidien : ce journal consiste à noter leur planning, leurs pensées, leurs émotions, leurs objectifs et les temps forts de leur journée, semaine et mois. Elle permet de mieux visualiser les objectifs, d’améliorer la productivité et d’aider à clarifier les idées et les émotions. Cette activité peut se faire dans un jardin qui représente un environnement propice au repos de l’esprit grâce à l’énergie de la nature. Aussi, pour les petits comme les grands, participer à des ateliers de travaux manuels comme l’élaboration de sculptures, invitent les individus à exprimer leurs émotions par la créativité (4).
À travers tous ces éléments, la notion de « force » évoquée précédemment prend donc tout son sens.
Afin d’illustrer ces propos avec un cas concret, prenons l’exemple de l’association française « Les Blouses Roses », qui dispose de multiples antennes à travers le territoire français, pour agir dans des établissements de santé.
Créé en 1944 par Marguerite Perrin, cet organisme à but non lucratif a pour but d’aider les personnes isolées de tous âges, qu’il s’agisse d’enfants hospitalisés ou de personnes âgées en Ehpad. Grâce à ses 4 200 bénévoles étudiants, psychologues ou encore professionnels de santé nommés « Les Blouses Roses », cette association apporte un soutien moral et des animations variées pour égayer le quotidien des patients. « Les Blouses Roses » proposent plusieurs activités telles que des travaux manuels pour extérioriser ses pensées, des jeux de société pour développer et améliorer ses compétences réflexives ou encore, des lectures par correspondance créer du lien social « avec l’extérieur ». Leur objectif : « distraire, réconforter, écouter ainsi qu’apporter de la joie dans le quotidien des soins et de la solitude »(5).
En bref, la psychologie positive est complémentaire à la psychologie « traditionnelle » puisqu’elle offre un soutien centré sur le sentiment de bonheur (Cherry, 2021).
Nous constatons que cette discipline prouvée scientifiquement s’applique aussi bien à des sujets isolés socialement, qu’à des individus suivis psychologiquement ou encore, à ceux qui souhaitent développer leur sentiment de bien-être. S’inscrivant dans divers contextes et de différentes manières, elle est accessible à tous.
La psychologie positive permet d’ouvrir le champ des possibles quant à l’atteinte de l’épanouissement personnel au quotidien : favoriser la positivité, la confiance en soi et le bien-être mental pour apporter du bonheur… Et surtout, un souffle de renouveau à sa vie.
Notes
(1) https://livingmeanings.com/martin-seligman-and-his-two-theories-of-happiness/ (page consultée le 5 juillet 2022)
(2) https://simplifier-la-vie.com/comment-la-psychologie-positive-nous-rend-plus-heureux/ (page consultée le 5 juillet 2022)
(3) https://loeilducese.fr/lancons-grande-cause-quinquennale-dengagement-contre-lisolement-social/ (page consultée le 5 juillet 2022)
(4) https://apprendreaeduquer.fr/psychologie-positive-famille/ (page consultée le 5 juillet 2022)
(5) https://www.lesblousesroses.asso.fr/fr/ (page consultée le 5 juillet 2022)
(6) https://www.francebleu.fr/emissions/france-bleu-bourgogne-social-club/bourgogne/les-blouses-roses-font-leur-rentree-2021 (page consultée le 5 juillet 2022)
Bibliographie
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Andrewes, H. E., Walker, V., & O’Neill, B. (2014). Exploring the use of positive psychology interventions in brain injury survivors with challenging behaviour. Brain Injury, 28(7), 965‑971. https://doi.org/10.3109/02699052.2014.888764
Bolier, L. and al. (2013). Positive psychology interventions: a meta-analysis of randomized controlled studies. BMC Public Health, 13(1). https://doi.org/10.1186/1471-2458-13-119
Gable, S. L., & Bedrov, A. (2022). Social isolation and social support in good times and bad times. Current Opinion in Psychology, 44, 89‑93. https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2021.08.027
Lulgjuraj, D., & Maneval, R. E. (2021). Unaccompanied Hospitalized Children: An Integrative Review. Journal of Pediatric Nursing, 56, 38‑46. https://doi.org/10.1016/j.pedn.2020.10.015
Schneider, M. (2020). Introduction to Public Health (6e ed.). Jones & Bartlett Learning.
Sitographie
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